de Bertrand Russell
J’abhorre les superstitions : passeur de feu, homéopathie, religion,
théories complot,… si je ne déteste pas les gens qui continuent à
croire, par manque d’information ou incapacité à une trop importante
remise en cause, je n’arrive pas à supporter l’idée que l’humanité se
complaise dans ses absurdités. J’estime pire encore, qu’on laisse
parfois se propager ses idées, pour des raisons pratiques
court-termistes, ne voyant pas (ou feignant de ne pas le comprendre),
qu’à long terme, ces pratiques placent au même niveau dans l’esprit des
moins initiés à l’épistémologie, des pratiques coûteuses et
intellectuellement complexes mais enrichissantes avec des techniques de
zozos. Quid des financements des recherches scientifiques ou médicales
lorsque les décideurs croiront avoir été soignés par le don d’un
magnétiseur ? Quid de l’enseignement de la théorie de l’évolution
lorsque les politiciens ne comprendront plus la différence entre une
théorie scientifique et un conte théologique ? Quid de la confiance
envers les acteurs de la santé, lorsque des pharmaciens sans hygiène
mentale (ou mercantiles) dévalueront les produits “chimiques” face
à des alternatives homéopathiques soi-disant “naturelles” ? Il me
semblerait tellement plus judicieux d’étudier l’effet placebo pour le
maîtriser sans créer des schémas-réflexes de médication (alternative,
systématique et hors prescription avisée, qui plus est). Il me
semblerait tellement plus intéressant de comprendre les mécanismes de la
douleur pour que nos enfants contrôlent ceux-ci plutôt que de ne laisser
le choix qu’entre la subir, la médicaliser ou faire appel à une magie
inexplicable… Bref, j’abhorre les superstitions…
Alors lorsque j’apprends qu’il existe un texte de Bertrand Russell,
philosophe rationaliste fondateur de la logique contemporaine, qui
s’attaque à la fumisterie intellectuelle de son époque, je ne peux que
plonger avec délice. Si le texte n’a rien à voir avec la logorrhée qui
sert d’introduction à cette critique, ne vous attendez pas non plus à
une argumentation particulièrement bien structurée, développant
consciencieusement des concepts philosophiques qui vous permettront de
déconstruire les discours obscurantistes, il s’agit là plutôt d’une
courte raillerie ! Comme si, admettant qu’il sera impossible de faire
disparaître la superstition, Bertrand Russell, victime de censure
religieuse comme le rappelle très bien Jean Bricmont dans sa préface,
choisissait a minima, de profiter d’un texte pour se défouler. Un
pamphlet amusant qui permet à un lecteur rationaliste de se sentir moins
seul, de savourer quelques moqueries, de constater que de grands
penseurs sont passés par les mêmes questionnements… En quelques pages,
ça réconforte et donne le sourire.