de Blake Crouch
J’avais vraiment envie d’aimer ce page-turner très cinématographique. Ça se lit comme on regarde un blockbuster, le début du roman me faisait d’ailleurs penser à un mélange entre Lucy et Ennemi d’état.
Pendant la première partie j’avais vraiment envie de connaître la suite. Pendant la deuxième partie, je me disais qu’il serait dommage de ne pas savoir comment ça finit. Pendant la troisième et dernière partie, je me disais qu’il y aurait peut-être un twist qui relèverait le niveau.
J’ai apprécié « Da Vinci Code » là où certains se plaignent de la présentation caricaturale de l’Opus Dei, ça ne m’a pas dérangé, c’est un roman, je m’en fous. J’ai aimé « Seul sur Mars » là où certains se plaignent que l’atmosphère de Mars ne peut pas faire une tempête telle que décrite, mais c’est un roman, je m’en fous. J’ai pas détesté « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » là où certains étaient agacés que les textes écrits par le héros grand écrivain étaient d’une qualité littéraire proche du néant (au même niveau que le reste du livre), pour ma part, l’histoire m’avait suffisamment tenu en haleine pour que je fasse l’impasse sur ce point, je n’avais donc pas été outré. Je pense donc être plutôt tolérant avec les page-turner. Pourtant, là, ce n’est pas passé.
J’ai apprécié le premier tiers du roman, même si certains passages me gênaient. La page 24 par exemple me donne l’impression d’être une pleine page de pure exposition sans aucune subtilité, juste des faits random débités par le héros/narrateur pour expliquer le lore, très étrange…
Le point qui m’importune alors le plus, c’est le héros, Logan, agent fédéral pour la protection des gènes. Il devient fort et ultra intelligent suite à une manipulation génétique pourtant, il me donne l’impression bizarre d’être un peu lent à la détente.
Page 91, en lisant « Était-il possible que le virus auquel j’avais été exposé soit en train de me rendre meilleur ? », j’ai pensé « Bah oui t’es con où quoi ? Ça fait plusieurs pages que ça semble évident ». Page 128 : « votre QI […] est au-delà de 200 […] — Je n’en croyais pas mes oreilles ». Page 172, un code est à déchiffrer. En le voyant je n’ai aucune piste mais après quelques pages d’explications, je comprends qu’il s’agit de coordonnées, il en faudra encore 2 pages avant que le héros n’arrive à la même conclusion. Page 201 : « un carré de vingt-neuf mètres sur trente-cinq », bon là, je continue à chercher pourquoi il appelle ça un carré et non un rectangle (c’est pareil dans la version originale).
Tous ces détails me gênent un peu mais comme je l’ai écrit plus haut, je suis bon public, je reste accroché. De plus, le dénouement de la première partie me surprend suffisamment pour relancer pleinement mon intérêt. Je pense alors aux fans de la série Alias qui étaient agacés par le personnage joué par Bradley Cooper, car il avait toujours un épisode de retard dans la compréhension de l’intrigue. J’aime bien Bradley Cooper alors je continue. Et puis, il y a quelques passages sympathiques après tout « Nous étions une bande de primates qui s’était réunie et qui, contre toute attente, avait bâti une civilisation fabuleuse. Mais, paradoxalement — et tragiquement —, la complexité de notre création avait désormais dépassé de très loin les capacités de notre cerveau pour la gérer »
Vient alors la longue et plutôt vide partie 2 où Logan montre clairement les limites de son intellect. Pour ne rien divulgâcher, imaginez qu’un Sherlock Holmes amélioré cherche le nouveau plan de Moriarty. Ne seriez-vous pas surpris qu’une passante lui apprenne ce dont la télévision parle en boucle : 100 personnes d’une même ville sont mortes des suites d’une maladie mystérieuse. Malgré sa capacité à lire un livre en en écoutant un autre et sa mémoire parfaite, il n’a pas pensé pertinent de mettre le journal dans son flux de recherche ! Très surprenant, mais ce n’est pas le pire. Si le roman était écrit par Arthur Conan Doyle, un plan génial et complexe serait alors élaboré par Sherlock Holmes pour attraper sa Némésis et vous ne comprendriez l’intégralité du plan qu’une fois le piège refermé. Grâce à ses énormes capacités intellectuelles Logan préfère résoudre l’intégralité de ses futures actions sans autre préparatif qu’un flingue et quelques pains de C4. D’ailleurs, c’est assez bien résumé dans cet extrait : « Alors, c’est quoi le plan ? demanda Nadine. — On va devoir faire ça tout seuls. »
Logan est devenu très fort, ça tombe bien les scènes d’actions sont plutôt bien décrites, j’ai d’ailleurs eu mal à la trachée rien qu’en lisant un passage où le héros défonce la gorge d’un ennemi. Certes, il n’y a pas vraiment de raison logique à gagner génétiquement des connaissances de combats ou de médecine qui sont bien pratiques pour le récit mais ça passe…
Logan est devenu très intelligent, ça tombe mal, ça n’est montré que par l’ajout de verbiage, jamais montré par ses actions. Page 354 « Ma faim — autre artefact sensoriel dont j’avais désormais parfaitement conscience, et qui était simplement dû à ces neurotransmetteurs que sont la sérotonine (5-HT) et les catécholamines synthétisés par mes neurones sérotoninergiques dans mon plexus myentérique, les cellules entérochromaffines de la muqueuse de mon tube digestif, et dans mes plaquettes sanguines — qui me disait de manger. », c’est bien, ça fait intelligent mais si tu es si intelligent montre le moi aussi par tes actions ! Page 408 : « Trois secondes et huit dixièmes plus tard », ou-là, ça fait intelligent de préciser les dixièmes de secondes ! Non.
Pour être complètement honnête, partie 3, page 375, Logan a anticipé quelque chose que je n’avais pas saisi avant lui !
Certaines idées me semblaient très intéressantes : Qu’est-ce qui définit l’humanité ? L’inaction est-elle pire qu’une action imparfaite ? Est-ce la raison ou l’empathie qui sauvera l’Humanité ? (Dans Upgrade, c’est l’un ou l’autre, il faut choisir. Et l’une des propositions s’accompagne d’un milliard de morts, l’autre non…). Elles auraient mérité un héros tellement plus intelligent.
Hélas, même le sous-texte est parfois assez peu subtil. Page 304, « Il fut un temps où ces montagnes auraient été enfouies sous des mètres de poudreuse fraîche. Il fut un temps où ces montagnes auraient été vertes. Mais les incendies dus aux étés trop longs les avaient calcinées. » Oui, bon, j’avais saisi avec une phrase, trois de suite ça commence à faire… Surtout que dès la page 23, tu avais déjà écrit : « À cette époque, il aurait dû y avoir de la neige sur les plus hauts sommets, mais, au-dessus de la ligne des arbres, on ne voyait que de la roche sèche luisant au clair de lune. »
Ça m’aurait amusé que les qualités littéraires augmentent lors d’un upgrade intellectuel. Des phrases simples au début, des tournures plus complexes ensuite.
Une énorme déception.