- <Owen> Comme convenu, j’ai désactivé le sang dans Valhalla. J’ai aussi désactivé les démembrements, au cas où le petit frère passerait dans le coin…
- <Papa> T’as désactivé la nudité aussi ?
- <Owen> Oui mais ça c’est moi qui voulais, j’aime pas
de Jérémy Ferrari
Un peu court mais joli et corrosif. J'ignore si une personne n'ayant pas vu le spectacle « Hallelujah bordel » peut vraiment apprécier la lecture de ce sympathique complément mais pour ceux qui comme moi ont adoré le spectacle c'est une délicieuse petit friandise
de Ted Chiang
Difficile de faire une critique unique pour ce recueil de neuf nouvelles si différentes. Évidemment, certaines m'ont plus touché que d'autres, certaines m'ont invité à la réflexion, d'autres m'ont fait voyager.
Il est indéniable que Ted Chiang maitrise son art : quand il prend pour cadre les Milles et une nuit, le style est parfaitement imité ; lorsqu'une technologie futuriste est introduite, différentes implications sont développées ; lorsqu'une technologie ou un comportement pose question, il est nécessaire de prendre un peu de temps pour réfléchir à son propre positionnement ; etc.
« La nurse automatique brevetée de Dacey » et « Vérité du fait, vérité de l'émotion » m'ont particulièrement intéressé. « Le grand silence » m'a moins touché, le sujet traité me semblant trop évident.
de Alain Damasio
La plume de l'auteur est un scalpel, les mots sont parfaitement choisis pour un récit efficace et prenant. Pour le propos, le scalpel laisse place à la hache, un travail moins délicat. Si je ne peux qu'être en phase avec l'idée générale, j'aurais éventuellement préféré un texte deux fois plus long pour y trouver plus de nuances. Une nouvelle uppercut à lire lorsque le réflexe numérique redevient trop omniprésent, comme une petite claque pour rester éveillé
de Pierre-Louis Lions
Une pensée claire, un style simple et bien structuré qui rend la lecture agréable. Écrire une autobiographie pour mettre en avant le travail collectif et tenter d’expliquer que malgré les prix prestigieux vous n’êtes en rien une personne hors du commun est un exercice d’équilibriste difficile. Pierre-Louis Lions réussit plutôt bien l’exercice, à grand coup d’anecdotes, descriptions de scènes auxquelles tout le monde pourra s’identifier et un saupoudrage de best of de petites vannes. J’ai commencé la lecture à voix haute dans la voiture pour remplacer la radio, ma femme qui conduisait et mon adolescent ont été captivés, le livre semble donc avoir une audience potentielle éclectique. Une fois la lecture terminée on apprécie la bonhomie de l’auteur et on peut comme moi apprécier certaines de ces propositions, toutefois, je ne suis pas certain que j’en retirerai beaucoup plus. Je ne suis pas certain que l’auteur en attendait plus, non plus…
de Lionel Dricot
En seulement 2 ou 3 très courts chapitres, je suis complètement happé, la plume est particulièrement efficace, les thèmes abordés m’intéressent et sont développés de façon pertinente (surveillance, manipulation de la publicité, impacts des révolutions technologiques,…). J’ai lu l’ensemble du livre très rapidement, incapable de m’arrêter.
Bien que passionnant, deux points m’ont gêné : le personnage principal Nellio semble uniquement suivre les événements et sa compréhension semble en permanence en retard sur le récit, il est alors difficile de s’attacher à lui. Surtout, et c’est le second point, pendant quelques chapitres, il tente d’obtenir une réponse qui permettraient au lecteur d’avancer dans la compréhension et celle-ci semble retardée artificiellement par des interruptions.
Un premier roman dont certains chapitres me semblent être de passionnantes fulgurances éclairées et éclairantes, d’autres un peu moins subtils alourdissent hélas quelque peu le message.
Un livre dont j’aime avec passion les thèmes, un style littéraire que j’apprécie beaucoup, quelques inégalités dans la narration.
de Julien Bobroff : Garanti sans équation
Avez-vous déjà joué à Taboo ? Vous devez faire deviner un mot à vos amis, sans dire les 5 ou 6 indices qui seraient pourtant bien pratiques mais listés donc interdits… J’ai eu, à quelques passages, l’impression que Julien Bobroff jouait à Taboo en écrivant ce livre « garanti sans équation ! » et qu’une explication suboptimale aurait pu être remplacée par un où deux gros mots scientifiques. Des conférences grand public, des articles dans la presse (The Conversation, La recherche,…), de petites vidéos sur Twitter, des livres, un site web de référence (toutestquantique.fr), Julien Bobroff partage, avec le grand public, sa passion pour la quantique sous toutes les formes possibles et imaginables. Il réussit ainsi à toucher un maximum de gens et chacun prend alors plaisir à découvrir et/ou redécouvrir la quantique depuis le format qui lui convient le mieux. En tant que technicien dans un laboratoire de recherche, j’étais la cible parfaite pour Mon grand mécano quantique, que j’avais en effet trouvé parfait, la narration plus littéraire de certains passages de « La quantique autrement » sont un tout petit peu moins en phase avec moi mais seront probablement parfaitement adaptés à bien d’autres lecteurs.
J’insiste : légèrement déphasé, aucunement en opposition de phase, car si je n’ai pas trouvé le livre aussi parfait que le précédent, je le trouve tout de même très bon !
J’ai été passionné par le chapitre 4 sur la représentation des atomes, sujet qui mériterait, selon moi, un colloque, les états généraux, un grenelle ! J’aimerais tellement que ce point soit développé encore plus, avec bien plus de dessins, des croquis, des vidéos, des fichiers et scripts libres de droit pour que chacun puisse modéliser des atomes avec Blender, Inkscape, After Effects et autres, que les producteurs de contenus puissent s’approprier et détourner une représentation physiquement beaucoup plus juste de l’atome. Plus une représentation pertinente sera diffusée largement, plus il y a de chance pour que celle-ci devienne la représentation mentale par défaut… Bref, un chapitre qui m’a touché ! D’ailleurs ça tombe bien, comme pour les autres, on retrouve une bibliographie en fin d’ouvrage, cela me donnera de quoi réfléchir encore un peu.
J’ai adoré un grand nombre d’illustrations qui aident à la compréhension rapide de certains points (en particulier le principe d’incertitude, que je n’avais jamais aussi clairement saisi), d’autres m’ont semblé là uniquement à titre décoratif, comme s’il fallait que leurs dispositions soient homogènes dans l’ouvrage.
J’ai également adoré les explications à propos de l’ordinateur quantique, c’est probablement la première fois que j’ai l’impression d’y comprendre quelque chose et surtout c’est la première fois que je comprends pourquoi il s’agit de l’arlésienne de l’informatique.
J’ai aimé le mini tacle contre la médecine quantique.
Si je n’ai pas forcément adoré toutes les tournures, j’ai quand même l’impression d’avoir fait quelques pas de plus vers la compréhension de la quantique.
de Thibaut Giraud (alias Monsieur Phi)
Dans Link’s awakening1, une fois trouvée la carte du donjon exploré, tout semble enfin clair. J’ai eu la même sensation avec « Curiosités philosophiques » : j’ai trouvé une carte du donjon Philosophie ! Chaque chapitre se termine par une liste d’ouvrages, incitation ou plutôt invitation à la lecture, fil d’Ariane du labyrinthe que peut parfois sembler être la philosophie pour le néophyte (que je suis).
J’ai eu la chance d’avoir un professeur de philosophie2 qui insistait fortement sur les fondements scientifiques de la discipline, ses cours m’avaient vraiment intéressé. Ici, ce point m’a semblé plus limpide encore (surtout avec les explications sur la distinction entre philosophie continentale et philosophie analytique). Si seulement j’avais eu « Curiosités philosophiques » en guise d’introduction au cours de terminale, j’aurais probablement plus apprécié mes cours encore, j’aurai peut-être même compris l’intérêt de la lecture d’auteurs comme Bertrand Russell3 ou Peter Singer4 avant mes 25-30 ans, ce qui m’aurait fait gagner un temps fou.
Les philosophes s’appuient sur les idées de leurs prédécesseurs, de la même façon, la narration allant de Platon à Russell de façon chronologie, les chapitres s’appuient sur les concepts abordés dans les chapitres précédents. Ici les thèmes ne sont pas seulement évoqués superficiellement (comme je l’avais regretté par exemple dans « Des philosophes et des héros »5), on plonge vraiment dans les extraits de textes, les explications y sont bien développées mais restent abordables, l’équilibre me semble parfaitement adéquat. La lecture est tout de même un peu exigeante si les digressions vous empêchent de suivre un propos, les notes de bas de pages étant tellement nombreuses et follement étoffées qu’on peut parfois se demander si l’auteur ne s’est pas laissé emporté par une déraisonnable lubie ou un étrange « cap pas cap ».
Le chapitre consacré à John Stuart Mill m’a particulièrement impacté. J’ai eu il y a quelques temps, des discussions à propos du bonheur avec des collègues. Ils soutenaient qu’un imbécile est plus heureux qu’un érudit car il s’encombre moins de questions anxiogènes6. J’estimais la question plus complexe et indiquais mon désaccord, mes arguments étaient exactement ceux exposés dans le chapitre, ma capacité à les expliciter de façon intelligible l’était beaucoup moins. Après réflexion, je suis content de cette chronologie car cela m’a permis de réfléchir à la question avec mes propres connaissances, tenté de les formuler et me rendre compte de mes lacunes, cela a certainement rendu la lecture plus percutante. Dans une chronologie inverse, la lecture m’aurait semblé d’une évidente banalité et lors de ma discussion, aurais-je argumenté avec mes propres pensées où aurais-je simplement recraché celles de Mill ?
Ce livre est à la philosophie ce que le guide du castor junior est pour les neveux de Donald, une fois lu, on a envie de replonger encore et encore, au hasard des chapitres, tant il semble apporter une vulgarisation intéressante à propos de tout (pour le « guide »), la philosophie (pour « curiosités »).
Jeu Gameboy que j’ai aimé faire et refaire, adolescent ↩
Au lycée ↩
Philosophe que j’adore lire, que j’ai découvert grâce à une interview sous-titrée et partagée par Christophe Michel sur sa chaîne Hygiène mentale simultanément au conseil de lecture d’un collègue (Logicomix, que je vous conseille à mon tour) ↩
Philosophe dont je n’ai rien lu pour l’instant mais dont plusieurs ouvrages sont dans ma liste de livres à lire depuis quelques temps déjà ↩
de Thibaut de Saint Maurice ↩
d’ailleurs ne dit-on pas « un imbécile heureux » ↩
Un article à propos de The Fuck, petit script que je trouve bien sympathique pour corriger automatiquement la commande précédente.
J’ai toujours eu carte blanche pour mes articles, je glisse souvent de petites références (le plus chouette étant probablement Linux Essentiel 36). Pour LinuxPratique 122, j’y suis pas allé avec le dos de la cuillère 😁
Vous pensez que Lionnel ou Alexandre Astier dédicacent les magazines de presse informatique 😂 ?
de Ilan Duran Cohen
J’ai été très intéressé par Ilan Duran Cohen lors de son interview Nos pensées seront-elles bientôt jugées ? sur France Culture. J’ai trouvé son propos juste et sincère. J’ai aussitôt ajouté son roman à ma liste de livres à lire et je ne regrette pas du tout.
Une satire drôle et grinçante. L’auteur s’amuse à pousser tous les curseurs à fond pour rendre insupportables des combats légitimes (féminisme, réchauffement climatique, réattribution sexuelle,…), ce qui laisse difficilement indifférent ! La société décrite ici est anesthésiée par la surveillance, la délation et la bien-pensance, chacun est obnubilé par sa note sociale, chaque écart est sanctionné par une masse citoyenne légitime mais mortifère. Twitter IRL. Ajoutez un procès et une administration kafkaïens, des gamins un brin irrévérencieux (je pensais aux Malaussène en lisant certains passages), un algorithme omnipotent à la Jean Baret, le mélange est détonnant, passionnant et malin.