de Jean Baret (Trilogie Trademark - Volume 1)
Deux points à avoir en tête avant la lecture :
- Le style est simpliste à l’extrême, exagérément répétitif, envahissant voir même grotesque, à l’image des publicités et des incitations à consommer qui pourrissent la vie des personnages, que l’auteur va jusqu’à prénommer par des marques. Tout le monde n’appréciera pas cette démarche, indubitablement volontaire, parfois un peu extrême, je trouve l’idée plaisante.
- Si je n’avais pas été préalablement prévenu que l’auteur aime créer des personnages ambiguës, le livre aurait probablement volé à travers la pièce dès le 9e chapitre (assez tôt dans le récit, puisque les chapitres sont très courts). Jusqu’alors, même si certaines choses me laissaient dubitatif, le personnage principal m’était plutôt sympathique. Je ne m’attendais pas à ce que son comportement devienne aussi dégueulasse et violent envers sa femme, robot programmée essentiellement pour lui sucer inlassablement la bite et s’occuper des tâches ménagères. Ensuite j’ai été surpris de ma réaction, puisque j’éprouvais de la sympathie et de la pitié pour un robot qui ne ressent pas la douleur, programmé pour le plaisir de son propriétaire. De l’empathie pour un grille-pain sexuel ! Même en sachant cela, je continue à détester l’attitude du personnage et à ressentir un malaise. Je pense que ce genre de situation peu rebuter certains lecteurs.
Dans Bonheur™, consommer est un devoir civique. Les publicités et incitations à consommer sont omniprésentes, la police de la consommation vérifie que vous n’avez pas sous-consommé. Les individus sont invités à s’accomplir par la consommation, à vivre pour la consommation. C’est une vision très exagérée de notre réalité mais reste hélas suffisamment proche pour que certaines situations semblent déjà effectives.
Les conflits d’intérêt, la publIcité, l’humour controversé, l’assistance au suicide, les violences et viols conjugaux, les paradis fiscaux, le traitement désastreux des sdf, les fondamentalismes religieux, le mommy-porn, le machisme, tout est abordé et décortiqué sans jamais donner l’impression d’être là sans raison.
L’auteur dénonce la toxicité masculiniste, ce propos est d’ailleurs appuyé par le fait qu’aucun personnage féminin fort n’est développé pendant une bonne part du roman, s’en est tellement exagéré qu’il est impossible que ce soit involontaire. Au début du roman, les personnages féminins sont : un harem, des danseuses de strip-club, une femme robot sexuel et une présentatrice télé à trois seins. Seule la cheffe du héros est non sexualisée, mais après une vingtaine de courts chapitres, son personnage n’est toujours pas développé… J’en arrive alors à douter (j’en suis à un petit tiers du roman), c’est tellement trop, est-ce que je me trompe dans mon interprétation, est-ce que je ne suis pas en train de lire un livre juste odieux… Puis je lis « Toshiba apprécie tout particulièrement ce mélange astucieux d’histoires inventées et d’éléments réels […] Cette technique permet d’ancrer le livre dans une certaine réalité, ce qui rend la critique sociale plus pertinente. Cependant, il ne parvient pas pour l’instant à déterminer clairement quel est le message de Moody. Heureusement, il n’en a rien à faire. ». Je ne sais pas si Jean Baret, souhaitait vraiment par un passage méta inviter le lecteur à lui accorder sa confiance, mais c’est ainsi que je l’ai compris.
Je n’ai pas regretté. C’est trash, c’est intelligent, c’est une claque !
Je suppose que l’auteur est arrivé à ses fins avec moi, j’ai envie de lire Dany-Robert Dufour