de René Barjavel
Deux choses positives me semblent indéniables. Premièrement, Barjavel réussit a tenir son lecteur, on veut savoir comment ou pourquoi, on n’arrête pas avant d’avoir le fin mot de l’histoire. Deuxièmement, on visualise très facilement les actions et les personnages, on a presque l’impression que les images défilent façon cinéma.
Plusieurs passages, au début du roman, me plaisent beaucoup en terme d’écriture :
« le dernier de son village à continuer d’élever des vaches au lieu de traire les Parisiens […] Le père Brivaux avait entouré son morceau de montagne de barbelés et de poteaux “Défense d’entrer“, et dans cette prison vivait en liberté »
« Ce vent qui ne cessait jamais de s’appuyer sur lui »
« Sous cette brume empoisonnée par leurs fatigues d’hier, des millions d’hommes s’éveillent, déjà exténués d’aujourd’hui »
Voilà pour le plus positif.
Toutefois, certains points m’empêchent de comprendre ce qui a rendu « La nuit des temps » aussi culte.
Lorsque Barjavel décrit son héroïne, il force sur le côté érotique, de façon très pataude ! Elle est toujours nue, c’est d’ailleurs précisé une bonne dizaine de fois (20 fois “sein” dans le roman, des termes particulièrement fleuris pour le sexe féminin, toujours gratuitement). Peut-être qu’à l’époque où le roman a été écrit c’était quelque chose d’original, je ne sais pas du tout, mais en tant que lecteur de 2023, ça me semblait très forcé.
Et surtout, deux ou trois fois dans le roman, des scènes plus ou moins sensuelles sont incroyablement… cucul la praline ! Ç’en est gênant :
« Sa main coula le long des hanches, le long des cuisses, et toutes les pentes la ramenaient au même point, à la pointe de la courte forêt d’or, à la naissance de la vallée fermée […] Elle s’entrouvrit juste pour laisser la place à la main de se glisser, de chercher, de trouver, à la pointe de la pointe et de la vallée, au confluent de toutes les pentes, protégé, caché, couvert, ah ! … découvert ! le centre brûlant de ses joies. »
J’ai eu un peu peur au début de ma lecture car le personnage principal, un amoureux très possessif, est tombé amoureux uniquement car elle est belle, il se fout de la réciprocité des sentiments, il est parfois inutilement agressif… bref, il est pénible et jamais son comportement n’est critiqué. J’ai fini par m’y faire, en particulier car il n’est finalement pas très important pour l’intrigue. Les personnages principaux sont un couple de pseudo Roméo et Juliette entêtés et pas suffisamment caractérisés à mon goût pour qu’on s’attache vraiment à eux. Ils sont définis par leur amour mutuel et uniquement ainsi.
« La nuit des temps » est un peu simpliste mais son message un peu idéaliste, anti-nationaliste et pacifiste est touchant. Certains personnages secondaires sont caricaturaux mais attachants. Le message est parfois un peu simplet mais sincère. Quelques bonnes idées (sur la surveillance généralisée par exemple).
J’ai découvert après ma lecture que « La nuit des temps » ressemble beaucoup trop à « La Sphère d’or » de Erle Cox pour que ce soit une simple coïncidence, cela me laisse d’autant plus dubitatif.